Négatif encore une fois.
Et pourtant, je ne peux pas dire que j’ai fait preuve d’une prudence exemplaire au cours des nombreux rapports sexuels qui ont épicés ma deuxième année parisienne. Enfin… Je respire.
C’est fou ce que les dépliants culturels gratuits proposés par le ministère semblent remplis d’articles inintéressants quand on les lit en patientant dans la salle d’attente d’un centre de dépistage VIH. Et comme se reporter sur le fascicule spécial été du TÊTU + n’a rien de réconfortant, j’ai attendu trois quarts d’heure sans bouger, assis sur ma chaise en plastique. Mon baladeur m’avait bien servi, une semaine plus tôt, lorsque j’attendais pour la prise de sang, mais là je n’avais aucune envie d’écouter chanter Cher en boucle. Certaines situations ne se prêtent pas à la musique…
A part la voix automatisée de la dame de l’accueil dont les « On va le faire de façon anonyme… » resteront à jamais gravés dans ma mémoire, le silence régnait en maître dans la pièce et on aurait pu entendre les mouches voler. C’est étrange comme Paris est calme à certains endroits. La tension était presque palpable, et je suis certain que les frissons devaient succéder aux coups de chaleur chez beaucoup d’autres que moi à l’annonce des numéros appelés. 11154… 11328… et puis tout à coup ça y est 11291.
Je me lève et je rejoins le médecin qui me sourit. Une seconde suffit pour faire défiler cent quarante sept mille questions dans mon esprit. Son sourire se veut-il réconfortant ? Compatissant ? Mon cas est-il différent de ceux dont il a l’habitude ? Et une minute plus tard je suis assis en face de lui qui tient l’enveloppe contenant ma feuille de résultats.
Bilan : Je suis séronégatif et je n’ai pas la syphilis.
Il me rappelle brièvement les chiffres alarmants de la re-progression du virus depuis deux ans dans la capitale française, puis dépité me précise que malheureusement c’est à nouveau dans la communauté homosexuelle que l’augmentation des contaminations est la plus forte. Ça ne va rien faire pour arranger les amalgames, évidemment.
Je pose une question : « Où en est-on par rapport au vaccin contre le Sida ? » et pour toute réponse, droit dans les yeux il me dit « N’y comptez pas. » Je suis un peu étonné, parce que ce n’est pas ce que nous clament les médias à longueur de Sidaction et autres émissions pour la récolte de fonds. Mais son explication terre à terre vient tout clarifier : « Vers la fin des années 80 ils ont dit « D’ ici dix ans, on devrait avoir un vaccin » et puis rien. Puis vers la fin des années 90 ils ont redit « D’ ici dix ans, on devrait avoir un vaccin ». Nous sommes dix ans plus tard, et toujours rien… Alors, maintenant, ils nous disent encore « D’ ici dix ans… » ! Mais n’y croyez pas. La seule véritable avancée en matière de Sida, c’est qu’on est presque arrivé à faire de cette maladie directement fatale il y a vingt ans, une maladie chronique aujourd’hui. C’est tout. »
Je suis dégoûté. Un exemple de plus qui vient accroître mon désespoir face aux mensonges permanents d’un monde dans lequel j’ai de moins en moins envie de vivre.
C’est marrant, l’autre jour je lisais dans « Le danseur de Manhattan » d’Andrew Holleran, que l’auteur aurait bien du mal à redonner confiance en la vie à quelqu’un qui lui annoncerait son envie de suicide. Je me suis vraiment senti hyper concerné par ce passage, tant j’aurais moi aussi, du mal à trouver de la couleur dans le sombre monde qui m’entoure… Tout s’effondre tous les jours davantage et il me semble qu’en réalité, les états n’ont aucune envie de faire changer quoi que ce soit. Simplement pour les questions de pouvoirs et profits…
Avant de partir, je discute encore un instant avec le médecin qui me confie qu’une fellation avec préservatif c’est quand même pas super agréable, malgré qu’il ne veuille plus du tout cautionner que le risque de contamination par cette voie soit à considérer comme moindre. Les deux derniers résultats positifs qu’il vient de remettre ont en effet été contractés par simple fellation… « Faites donc très attention. Le risque EST là »
Et le voilà qui me file une poignée de capotes devant le nez. « J’arrête d’être délicat, de toute façon, ils sont là pour ça ! »
Je repars plus léger qu’une heure avant.
Me voilà donc avec un nouveau crédit de vie. Une nouvelle période qui se présente devant moi, dans laquelle je n’aurai pas à stresser dès que j’ai un peu plus mal au ventre que d’habitude ou qu’une blessure dans ma bouche ne cicatrise pas aussi rapidement qu’à l’ordinaire. Comme une sorte de nouvelle partie de flipper.
Les garçons auront défilé dans mon année à vitesse moyenne ou plus rapide, mais aucun n’est resté dans ma vie, même si je me souviendrai très bien de chacun d’entre eux. ( Le steward de la Lufthanza dont j’ai oublié le nom qui m’a dit que mes parents avaient été « généreux » avec moi à la naissance, Sébastien, Cédric, Hans, Laurent, Cyril, Krys, le type louche du sauna, et l’autre de quarante ans qui ne voulait pas parler, Christophe, Patrizzio, Remy et Grégory, Fréderic, Jéremy, Eytan, Arnaud qui m’a appris tous les codes du sexe hard, Franck, Pablo, Jean, Fabrice le militaire… ) Certains ont pris plus d’importance que d’autres, mais aucun projet à long terme avec qui que ce soit. Mon corps est en parfaite santé et ma libido assouvie, mais je ne suis visiblement pas près de m’endormir plus de dix nuits dans les bras d’un même homme…
Entre temps les caisses du déménagement se remplissent, j’ai déjà démonté quelques meubles, la fête de la musique s’est déroulée sous la pluie, j’ai pris froid et la gay pride est dans deux jours !
Wednesday, June 14, 2006
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
1 comment:
Antoine, est-ce bien toi ? écris-moi sur mon mail s'il te plaît !
odysseus_2004@hotmail.com
Post a Comment