Jeudi 8 décembre 2005 - 18h30 :
" - Allô, Antoine ? Salut c'est Nathalie. Dis-moi, est-ce que tu serais libre pour jouer dans un spectacle durant cinq semaines ? C'est assez urgent. Rappelle-moi, merci."
J'avais entendu le téléphone sonner, mais n'avais pas eu le temps de décrocher parce que j'étais dans la cuisine en train de préparer des pâtes, alors j'ai rappelé au plus vite. Messagerie vocale.
" - Nathalie, tu sais, ce n'est pas drôle de faire croire aux jeunes comédiens que tu vas relancer leur carrière, comme ça ! Je reste près de mon téléphone, cette fois. J'attends ton appel."
Je vais continuer en mode narratif, pour ne pas faire une page blog entièrement dialoguée !
Quand Nathalie Uffner m'a rappelé ce soir-là, son ton était assez énervé et elle semblait pressée. Comme poussée par l'urgence dont elle m'avait fait part quelques minutes auparavant. Et pour cause ! Après nous être brièvement salués, elle entra dans le vif du sujet. L'un des comédiens de "Fever" ( La pièce de Sébastien Ministru qui se tiendrait pendant les fêtes. ) venait de déclarer forfait et avait quitté le projet. Etais-je disponible dès le lendemain pour commencer à travailler au plus vite ? Car la première représentation se tiendrait le... mardi 13 ! ( Oui, oui ! Quatre jours plus tard. )
Coup d'oeil rapide sur mon calendrier. Rien de fondamentalement important dans les semaines qui suivaient, si ce n'est mes deux soirs de boulot par semaine que je n'aurais qu'à faire sauter.
Défi lancé ! J'allais remplacer le rôle au pied levé en quatre jours ! Claude Volter avait étudié tout Hamlet en une nuit ? J'en ferais autant pour Fever !
Le temps de faire un envoi internautique du texte, de l'imprimer et je me suis retrouvé à étudier mes vingt-cinq pages de répliques... tout en ouvrant mes deux valises que je remplissais en déclamant. Je n'aurais qu'à sauter dans le premier Thalys disponible du lendemain, et le tour serait joué !
Je suis arrivé à Bruxelles vers 09h50, Nathalie est venue me chercher à la gare et nous avons filé vers le théâtre. Sur les planches à 10h20 pour une première mise en place sans le reste de la troupe. Et un maximum d'indications sur le profil du personnage.
Michael, Maman, ses filles et les danseurs sont arrivés vers 12h00. Tout le monde était en effervescence car certains ne savaient pas encore que le comédien en question avait définitivement quitté la distribution, ni qu'on avait déjà trouvé quelqu'un pour le remplacer et encore moins que c'était moi !
Bonjours affectifs et retrouvailles rapides. Présentation des différents intervenants. Et nous montons tous sur le plateau, car on a du pain sur la planche. Le régisseur lance la musique du final et Bruno démarre la chorégraphie que je dois apprendre, puis c'est au tour de Maman de m'apprendre quelles sont les places que j'occupe dans celle de "Fever"... On s'active, on répète, et on termine la soirée au bar "Chez Maman", avant l'ouverture, à faire des italiennes endiablées pour que le texte soit bien dans ma tête et que les intentions se posent correctement. On fouille dans la réserve de costumes du bar pour me dégotter un petit tailleur bleu et noir, question de ressembler à quelque chose demain.
Je tombe de sommeil chez Vincent qui m'héberge.
Le lendemain à dix heures, rebelotte, passage chez le coiffeur, et répétiton toute la journée. Je répète sans chaussures à talons et cela me donne un côté assez inattendu dans ce monde de travestis haut chaussés. Mon costume ne convient pas à Nathalie, et on décide d'aller en chercher un lundi matin.
Cette fois, l'italienne se fait dans la cave du Vogue bar, pendant que Marla se prépare pour la soirée "Madonna" qu'elle doit animer. Nous grelotons autour du minuscule radiateur électrique, mais l'ambiance est bonne... Tout le monde est soulagé de mon arrivée et de la rapidité de mon apprentissage !
Le filage de dimanche aide encore et toujours mon personnage de Tina à se construire. Je commence à trouver mes marques malgré le stress de l'urgence. Et doucement, je m'amuse...
Lundi, c'est la course au costume !
De H&M à Jennifer en passant par Bershka ou Pimkie, Nathalie et moi cherchons sans relâche une tenue qui mette mon personnage en valeur, car apparement mon personnage
ne brille pas assez dans l'univers emplummé de Feverland. Décision est prise pour une jupe noire et un joli top rose à volants... que je n'utiliserai finalement pas, parce qu'ils sont moche dans la lumière des projecteurs ! Sandy m'entraine alors dans les boutiques du Matonge ( Le quartier africain de Bruxelles ) et me déniche un super tailleur imitation Chanel. Confirmation de Nathalie ! Reste à me trouver une perruque assortie. Propositions de Marla, Choupette et Bruno. Je termine avec un chignon démesuré, limite pièce-montée, sur la tête. Nathalie adore, moi je suis effrayé. Mais je fonce dans la direction qu'elle me propose ; confiance totale !
La dernière chose qui me manque : des souliers à talons.
J'ai pourtant remonté et redescendu toute la chaussée d'Ixelles pour trouver chic et pas cher, mais rien n'y fait. Aucune paire de chaussures à talons en 43 ! C'est la cata... L'heure de la répétition générale approche ! Maman me conseille de passer chez Minuit, le magasin où elle se fournit elle-même. Je fonce, billets d'euros en main ( Dans l'urgence, la prod a les mains légères ! ) et ressors avec lesdits escarpins de 11 cm de talons aiguilles ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah.
La représentation se déroule pas mal. Mon personnage plait aux quelques spectateurs présents !
Dernières recommandations de Nathalie. J'ai rendez-vous demain chez l'esthéticienne pour me faire épiler les sourcils et les bras, puis au théâtre pour répéter ma chorégraphie de Jessica Rabbit.
Mardi 13 décembre 2005 :
Mon visage n'est plus le même. J'ai les sourcils épilés, et cela fait tout drôle. Je me sens très vilain, mais les autres ne ressentent pas la même chose. On a toujours des problèmes avec soi-même. Diantre, pourquoi ?
Je répète Jessica Rabbit sans relâche depuis une heure lorsque Choupette arrive avec les morceau de mousse-kapok dans lesquels il va me découper des hanches pour ce soir. Quelques conseils sur ma prestation dans "Il venait d'avoir 18 ans" de Dalida... J'ai l'impression que ma tête va exploser. Trop d'informations en si peu de temps. Je commence à pisser de travers, comme on dit élégament.
Je voudrais un quart d'heure à moi, pour respirer, me retrouver, mais il n'en est plus question. Il est 18h00, et je vais devoir me faire maquiller. Bruno termine la transformation de mon visage... La musique retentit... et j'entre sur scène dans la lumière trop forte de la poursuite qui balaie ma silhouette.
La représentation est un vrai succès !
Tina explose littéralement ce soir-là. Comme si tout le retenu inconscient de mon personnage m'échappait d'un seul coup pour aller s'écraser dans la salle qui hurle de rire à bon nombre de mes répliques... Pourquoi diable ce comédien a-t-il laissé passer un rôle si magique ?
A part quelques erreurs de chorégraphie -aucune de texte !- tout se passe à merveille. Et le lendemain, nous décidons de laisser Jessica Rabbit à Choupette, parce que je ne suis pas obligé d'avoir un numéro glamour, vu que mon personnage ne l'est pas vraiment.
"Fever" est lancé, il nous/m' appartient, ça va déménager et pour la première fois de ma vie, je suis fier de moi !
Joyeux Noël à tous !
Thursday, December 15, 2005
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